Catégories
Informations

Électrique : le grand chamboulement

Les voitures électriques pullulent sur nos routes. Mais d’où viennent-elles ? Comment en est-on arrivé là, alors qu’il y a encore 5 ans, elles n’étaient que des concepts ? Retour sur une décennie de chamboulements…

Aston Martin DB12 Volante

Personne n’a pu passer à côté : l’automobile vit un grand chamboulement avec l’éclosion de la motorisation électrique. Encore à l’idée de simple utopie au début de l’année 2000, seuls les concept cars recevaient des moteurs électriques, pour imaginer un futur silencieux. L’électrique c’est l’avenir nous disait-on. Mais l’avenir semble approcher à grand pas depuis quatre ans. De Peugeot à Mercedes, de Dacia à Rolls-Royce, l’électrique est sur toutes les lèvres des dirigeants de nos marques favorites. Seules quelques marques résistent encore (plus pour très longtemps…) à cette surcharge pondérale. La majorité s’est engouffrée massivement dans cette voie à partir de 2019, mais les débuts balbutiants remontent à l’année 2010. 

En regardant dans le rétroviseur, les pionniers de l’électrique ne sont finalement pas ceux que l’on pensait… À l’époque, il n’y a pas si longtemps que ça finalement, les batteries étaient très lourdes, personne ne savait réellement comment elles fonctionnaient, comment rendre les voitures qui en sont munies utilisables. Pour les marques, les propositions les plus logiques, qui entraient en adéquation avec la faible autonomie permise par les batteries, étaient les citadines. Les centres-villes étaient déjà à la recherche d’air plus pur, et les citadines permettaient cette pureté. Elles s’appelaient Peugeot iOn, Citroën C-Zéro ou encore Mitsubishi i-Miev. En 2010, ce trio identique techniquement mais différent dans le style (et encore…) débarquait dans nos concessions, mais péniblement sur nos routes. Principale raison : le rapport autonomie/prix/utilisation. Pour près de 30.000€, la Peugeot iOn disposait d’une batterie de 16 kWh permettant une autonomie de 150 km selon le cycle NEDC… Comme ses sœurs, l’iOn laissait le choix entre l’achat et la location de la batterie, nous ne savions pas comment elle allait vieillir… 

Peugeot iOn
Mercedes-Benz gamme électrique 2010

Mercedes a voulu montrer qu’elle ne vivait pas que dans son passé de pionnier du moteur thermique – Gottlieb Daimler étant l’un des pères du moteur à combustion interne – mais qu’elle voyait aussi loin, vers l’avenir. Un avenir vertueux qui passe par un garage complet avec un utilitaire (Sprinter), une citadine (Classe A E-Cell) et une sportive (SLS Electric Drive) à batterie et un mini monospace (Classe B) à hydrogène. Ajoutons à ce garage électrique la SMART Fortwo EV, et nous aurons une véritable gamme d’avenir… ou pas. Car ces voitures ont surtout servi l’image de Mercedes et n’ont pas franchement augmenté les ventes. Les Classe A et B, et la SLS, étaient des éditions limitées à 100 exemplaires vendus à des clients triés sur le volet pour bâtir une base de données importante sur l’utilisation de ces motorisations en conditions réelles. Le premier groupe à avoir vu l’électrique à grande échelle est l’Alliance Renault-Nissan qui, avec la LEAF et la Zoé, ont réussi à se forger une image électrique… non sans mal. La Japonaise, avec ses dimensions plus importantes que la Française, embarquait davantage de pack de batterie, permettant ainsi une plus grande autonomie. La citadine au Losange souffrait des mêmes maux que le trio précédent : chère et peu utilisable. Même si, avec sa longévité digne d’une reine britannique, la Zoé n’a fait que s’améliorer, passant de 190 à 394 km d’autonomie aujourd’hui ! 

En Grande-Bretagne justement, Rolls-Royce a tenté de devancer ses clients en proposant une voiture plus vertueuse : exit le V12 atmosphérique, place à des batteries. Un tas de batterie. La grande Phantom se nomme 102EX. Un exemplaire unique qui permit à la marque de réaliser des tests auprès de ses clients. Avec une batterie de 71 kWh, la limousine annonçait une autonomie… identique aux citadines : 200 km. Dans le même groupe, BMW lançait une nouvelle gamme dédiée à l’innovation automobile : i. Son premier modèle sera électrique, et se nommera i3. Une citadine au look… différent, et pensée intelligemment. Pensée comme une électrique dès le départ, l’i3 repose sur un châssis propre, en PRFC (plastique renforcé de fibres de carbone), où sont intégrées les cellules de batterie. Là encore, et même si son autonomie est légèrement meilleure – et qu’elle dispose d’une version avec prolongateur d’autonomie – le prix reste un frein à l’achat de cette auto. Plus haut, BMW signe l’i8, une hybride avant-gardiste. Le rival Audi a aussi tenté l’expérience avec une exclusive série limitée de R8 e-tron, qui n’a pas fait grand bruit…

Rolls-Royce 102EX
Audi Q7 TDI

Puis, une simple étude indépendante a eu raison de l’ordre établi. Alors que le diesel ne fait que grimper dans les ventes, notamment en France, une nouvelle affaire surgie en septembre 2015 qui pointe du doigt Volkswagen. Le géant allemand, propriétaire de Volkswagen, Audi, Skoda, Seat, Porsche, Bugatti et Ducati, est accusé d’avoir truqué ses voitures à moteur diesel pour respecter les normes de plus en plus drastiques, notamment sur le sol américain. Les rejets de particules dépassent largement le seuil autorisé. Près de 11 millions de voitures, produites en 2009 et 2015, seraient concernées. Volkswagen est pointée du doigt, mais toutes les marques sont scrutées. Finalement, en utilisation réelle, les rejets de CO2 et de particules sont jusqu’à 50% supérieurs à ceux mesurés lors du cycle d’homologation en vigueur. Était-il encore viable pour les voitures d’aujourd’hui ? Utilisé pour mesurer la pollution des voitures depuis 1973, le cycle NEDC n’a pas évolué avec l’automobile, et est resté le même. Or, les voitures d’il y a quarante ans ne ressemblent plus à celles d’aujourd’hui. 

L’Union Européenne a donc travaillé sur un nouveau cycle d’homologation, plus proche de l’utilisation actuelle. Les voitures sont repassées au crible de ce cycle WLTP à partir de 2018. Les consommations augmentent, les rejets également. Quoi de plus normal, puisque les marques ne trichent plus, désormais. Plus désolant, les modèles électriques passent aussi par le nouveau cycle et les autonomies chutent : la Peugeot iOn précédemment citée ne pourrait parcourir que 110 km, en norme WLTP… Par le passé, l’Europe avait aussi soumis les constructeurs à une réglementation en 2009, nommée CAFE. Elle fixait les objectifs de rejet de CO2 par km pour chaque véhicule, avec un premier objectif à 130g en 2015. Le second palier devait entrer en vigueur en 2020, à 95g. Les marques qui dépassaient ce seuil devaient payer de lourdes amendes : 95€ pour chaque gramme supplémentaire. L’un des moyens les plus efficaces pour compenser ces amendes se nomme l’électrique. Et les constructeurs l’ont bien compris…

Tesla gamme

À des années-lumières de ce scandale, le constructeur américain Tesla grandit. Après son premier modèle de 2008, le fameux Roadster sur base de Lotus Elise, le dirigeant de la firme de Palo Alto veut voir grand. Il veut révolutionner le monde automobile en lançant une gamme SEXY. Ou plutôt, S3XY. Une vision à long terme qui faillit ne jamais voir le jour, puisque pendant la crise de 2007, Musk a dû demander au gouvernement américain des subventions pour réussir à survivre… Et bénéficie de nombreuses subventions pour l’électrification du parc automobile américain. En 2013, Tesla lance la prometteuse Model S, une berline électrique puissante, chère, mais avec une belle autonomie. Tesla n’investit pas dans la communication, ses clients la font pour lui. Résultat, la marque ne cesse de croître en popularité. Sur les réseaux sociaux, les vidéos où la Model S P100D accélère plus fort que les supercars se multiplient. Puis, le SUV Model X arrive. Tesla a réussi là où Fisker a échoué avec sa Karma : rendre l’électrique accessible. Les Model 3 et Y transforment l’essai : les Tesla se vendent sans effort, notamment grâce à son propre système de recharge. 

Le Model Y est devenu le modèle électrique le plus vendu au monde. Le Model 3 ravit ses propriétaires… et après ? Lors de sa dernière prise de parole, Musk s’est désolé du retard de son pick-up Cybertruck, bien plus difficile à fabriquer que prévu. Pourtant, 10 ans après son ascension, le monde n’est plus le même. Alors que Tesla était seule sur le marché de l’électrique surpuissante et utilisable, aujourd’hui toutes les marques – ou presque – ont des modèles électriques dans leurs gammes. Des propositions un peu farfelues qui ne séduisent pas, comme le Mazda MX-30, aux prometteuses mais ambitieuses longues autonomies des Peugeot 3008 et Renault Scenic. Ou encore les surpuissantes Rimac Nevera, Lotus Evija, ou l’intelligente Citroën e-C3. Tesla n’a qu’à bien se tenir, car son avenir n’est peut-être pas aussi radieux que prévu…

Mazda MX-30

Par Iwen

Passionné d'automobile de toutes époques, je suis diplômé en journalisme automobile en 2023.

Laisser un commentaire