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Le Mans 2021

Le Mans, certains considèrent cette ville comme un temple des rillettes. D’autres ne voient en elle que le chef-lieu de la Sarthe. Ils ont tort de ne penser qu’à ça…

Alors, oui. C’est vrai, les bouchers-charcutiers du Mans font d’excellentes rillettes. Le Mans est aussi le chef-lieu de la Sarthe, je suis d’accord. Mais Le Mans, c’est bien plus que la nourriture et la géopolitique. Le Mans, c’est le temple de la course automobile. Tout passionné se doit d’y arpenter les routes de la course, accessibles le reste de l’année. Les 24H du Mans se renouvellent avec un nouveau règlement et une nouvelle catégorie rappelant l’âge d’or de son histoire : les années 90.

Le Mans renoue avec ses premiers amours, les voitures de course qui ressemblent à des voitures de course et en même temps à des voitures de route. A l’époque, il y a fort fort longtemps, les pilotes arrivaient avec les voitures de la route pour aller sur la piste. Avec les règlementations aujourd’hui en vigueur, il est impossible de faire la même chose. Les 24H vont donc changer de catégorie reine. Celle qui faisait rêver à travers le monde ne sera plus LMP1 mais LMH dès la prochaine édition 2021. LMP signifiait Le Mans Prototype 1, comme Formule 1, et plus le chiffre était élevé, moins la voiture était performante, même si elle reste rapide. Mais LMH, qu’est-ce que ça veut dire ? LM, vous l’aurez compris, c’est pour Le Mans. Mais le H ? H comme Hypercar, avouez que ça fait envie !

Ce mot existe depuis 2005 et l’arrivée de la Bugatti Veyron qui annonçait une nouvelle ère en termes de performances : plus de 1000 chevaux, plus de 400 km/h en pointe, plus d’1 million d’euros chacune. Depuis 2005, de nombreuses marques ont donc décidé de ne plus présenter leurs nouvelles voitures extrêmement performantes et limitées comme des Supercar, mais plutôt comme des Hypercar. Pour elles, les performances des anciennes Supercar, qu’étaient les Carrera GT, Enzo, F1 etc., étaient déjà dépassées par les voitures d’aujourd’hui non limitées en nombre d’exemplaires comme 720S, F8 Tributo, 911 Turbo S… Ainsi, ces dernières sont désormais présentées comme des Supercar alors que les P1, 918 Spyder et LaFerrari comme des Hypercar. Tout cela n’est que marketing, mais ça marche !

Parallèlement, au WEC, de plus en plus de constructeurs délaissent la catégorie reine LMP1, à cause des budgets trop importants notamment. Il y a fort longtemps, en 2012, – en automobile 8 ans c’est une éternité – Peugeot annonçait la fin de la 908 HDi hybride, avec un beau palmarès et une voiture déjà prête pour l’édition 2012, à cause de la faillite certaine de la marque, alors en difficulté. Audi, pourtant victorieuse à de nombreuses reprises au Mans grâce aux R8, R10, R15 et R18, a décidé en 2016 de dire stop à l’endurance pour se concentrer sur les nouvelles mobilités, avec la Formule E. Porsche arrive en 2014 en LMP1, avec la 919 Hybrid. Il gagne les éditions suivantes, 2015, 2016, 2017 au Mans.

Mais en 2017, ils annoncent se retirer du championnat. Eux-aussi mettent en avant les finances et la volonté de faire des voitures plus propres, en s’alignant en FE. Audi et Porsche font toutes deux parties du groupe Volkswagen. Sans doute que le scandale du diesel en 2015 a bouleversé les plans du groupe, notamment ceux d’Audi qui promouvaient la motorisation hybride diesel-électrique. Reste alors Toyota qui, après une édition 2017 au Mans désastreuse, où la n°7, alors première, s’est arrêtée sur la ligne droite des stands à cause d’un problème moteur, laissant ainsi s’échapper la victoire pour Porsche, gagnera en 2018, avec Rebellion comme seuls adversaires, avec une LMP1 non hybride. Les Japonais gagneront aussi en 2019 et en 2020. Cette année 2021 s’annonce vraiment différente avec de nombreuses marques prestigieuses se montrant intéressées par la catégorie LMH, programme annoncé dès 2017. 

L’une des premières à s’y être intéressée c’est Aston Martin. Au levé de voile de l’AM-RB 001, devenue Valkyrie, Gaydon a annoncé vouloir aligner sa première hypercar sur la ligne de départ du WEC dès que le programme LMH sera effectif. Mais en cette morose année 2020, la marque n’étant pas très rentable, Lawrence Stroll a investi dans le capital d’Aston. Jusqu’ici, rien de mal. Seulement, Stroll préfère la F1 et délaissera le WEC. Il a décidé de changer le nom de Racing Point pour Aston Martin F1, alors qu’historiquement, la F1 n’a jamais intéressé Aston, tandis que l’endurance oui – avec feu la DBR1 par exemple. Le Mans sera donc, pour l’instant, privée de Valkyrie en LMH, mais sera toujours là avec la Vantage en GTE Pro.

Dans le même temps qu’Aston Martin, Toyota se dit intéressée par la catégorie Hypercar. Etonnant venant du vendeur de Prius ! Mais le projet semble bien avancé puisque la firme, à l’édition 2020, a fait un tour du circuit des 24H avec pour monture leur Hypercar, sous sa forme quasi-définitive, dont les lignes sont camouflées par sa robe rouge et noir, les couleurs de la griffe sportive de la marque Gazoo Racing. Extérieurement, sa carrosserie ne présage rien de mauvais, elle adopte des courbes d’Hypercar « normale », moins extravagantes que celles d’une Pagani ou McLaren, aussi consensuelles que celles d’une Porsche ou Bugatti. On dirait presque une LMP1 moins radicale. Reste à voir ce que contient la fiche technique. Aucun doute, il y aura un système hybride, la balance de performances obligent une masse de 1030 kg minimum et une puissance de 680 chevaux maximum, les deux moteurs cumulés. Le règlement contraint aussi les constructeurs à commercialiser 20 voitures dérivées de celle du WEC. Cela veut donc dire qu’il y aura, enfin, une sportive Toyota 100% Toyota ! Hâte de voir cette GR Supersport alors !

Au fur et à mesure, de nombreux constructeurs s’intéressent à la catégorie. Certains décident d’y foncer, d’autres de s’y écarter. 

Parmi les plus étonnants à vouloir venir, voilà un constructeur dont on entend peu parler. Et pour cause, il n’est pas très connu. Si je vous dis SCG, vous pouvez me dire de quelle origine est cette marque ? Scuderia Cameron Glinckenhaus, voilà pour la signification et Américaine pour sa nationalité. James Glinckenhaus est un millionnaire américain qui assemble des supercars depuis 2015, année où il dévoile sa 003 S à Genève. Il se fait connaître en compétition et se montre intéressé par le Mans dont c’est le rêve dès l’annonce du projet Hypercar. Il se dit prêt pour 2021, mais fait savoir aussi qu’il trouve les budgets très élevés pour entrer dans la compétition. Comme quoi, il ne suffit pas d’être riche pour tout s’offrir.

La seconde surprise vient de l’écurie ByKolles. Fabricant de châssis de compétition, l’écurie a dévoilé son hypercar en septembre dernier. Pour les lignes, encore une fois, il s’agit d’une LMP1 moins extrême. Côté motorisation, les informations semblent intéressantes. Pour ceux qui ont déjà pu assister à la course, tous se mettront d’accord pour dire que les Proto ne font pas de bruit tandis que les Corvette explosent les tympans à chacun de leurs passages. Bonne nouvelle : ByKolles avance un V8 atmosphérique pour son Hypercar. Espérons alors que ses vocalises ne seront pas aussi muettes que celles des V4 des 919. Avec un V8 atmo, ça ne sera pas trop difficile !

Peugeot a décidé de revenir. Depuis que les comptes tendent plus vers le vert que le rouge et que Carlos Tavares souhaite faire de Peugeot une marque premium, montrer une belle image sportive de sa gamme est obligatoire pour cela. Dans la gamme, il y a ceux qui voit le verre à moitié vide, il n’y a plus de GTi, et ceux qui le voit à moitié plein, à la place il y a le PSE, Peugeot Sport Engineered. Mais avec la future Hypercar, le verre sera rempli. C’est en cette édition 2020 que Carlos Tavares a confirmé son intention de revenir dans l’endurance, en venant avec la 508 PSE et une ancienne 908 HDi. Et en même temps, le Lion dévoile des photos de son Hypercar dans la pénombre. D’abord la face avant, où l’on peut voir les 3 griffes qui formeront les phares de la bête. Ensuite, il y a quelques jours, le profil. Le cockpit paraît très bas et très proche des roues avant, ce qui promet de belles sensations de conduite pour les quelques heureux qui pourront la conduire/piloter. A l’arrière, la marque opte pour un V6, et la fée électricité s’occupera des roues avant. Tout cela sera à voir en 2022.

En 2023, deux autres constructeurs précédemment cités reviendront. Si vous avez suivi, je ne devrais pas devoir répéter leurs noms. Volkswagen s’est retirée du sport automobile. L’annonce est-elle vraiment triste ? Oui et non disons, puisque, par le passé, la seule sportive qu’ils aient bien réussie est la Golf GTi, la première. Mais au sein du groupe Volkswagen, il y a beaucoup de marques et beaucoup de palmarès impressionnants, dont Audi et Porsche – j’espère qu’il s’agissait des noms que vous aviez en tête. Nous ne disposons pas d’informations sur les Hypercars qu’ils mettront sur la ligne de départ. Seulement, Porsche a dévoilé des concepts qu’ils gardaient bien précieusement à l’abri des regards indiscrets. L’un d’entre eux étaient une 919 Street legal, ou encore un prototype pour célibataire. Peut-être s’en inspireront-ils ?

Comme je le disais, certains s’y sont intéressés. Ferrari conserve un œil sur le règlement. Mais après une saison aussi minable que celle de 2020 en F1, ne vaut-il pas mieux qu’il reste concentrer sur la Formule 1 plutôt que de s’éparpiller ? Cependant, tous les dix ans environ, Ferrari dévoile une Supercar. En 1984, la F40, en 95 la F50, 2002 la Enzo, et en 2013 LaFerrari. Si mes calculs sont bons, ils devraient en sortir une dans les prochaines années. Toujours en Italie, Maserati pourrait venir. Après tout, la MC12 avait été conçue pour l’endurance, sur base d’Enzo. Alors peut-être que, dans les nombreux modèles annoncés par la marque d’ici à 2025 se cache une Hypercar. A Sant’Agata Bolonese, on réfléchit aussi. Mais avec déjà Audi et Porsche dans le groupe Volkswagen, Lamborghini n’est pas le premier constructeur auquel on pense lorsqu’on parle du WEC.

En Allemagne, Mercedes semblait sous le charme de ce règlement, mais les investissements en F1 sont tels qu’il semble inconcevable d’engager une AMG One dès 2021. Cependant, la FIA, avec le nouveau règlement en F1, veut réduire les coûts. Ainsi restera-t-il du budget à Stuttgart pour le Mans ? BMW y a réfléchi, mais préfère concentrer ses investissements dans les nouvelles mobilités. Les Bavarois veulent donc dire qu’ils préfèrent sortir des iX3 plutôt que des sportives. Personnellement, j’aurais bien voulu voir une descendante de la V12 LMR. Mais je ne suis pas à la tête de BMW, malheureusement.

En France, le nouveau PDG de Renault, Luca de Mao, souhaite faire d’Alpine la nouvelle Ferrari. En F1, Renault F1 Team deviendra Alpine F1 Team. L’année prochaine, l’écurie LMP2 d’Alpine sera en LMP1, avec des anciens châssis de Rebellion. Les Alpine concurrenceront les Hypercar de 2021. Pour l’instant, aucune information n’a fuité sur le futur de la marque en Hypercar. Mais le 14 janvier prochain, le PDG dévoilera la fiche de route pour le groupe entier, Alpine en faisant partie, ça risque d’être intéressant à regarder.

Chez Bugatti, des discussions s’effectuent. Et la Bolide précédemment dévoilée pourrait, potentiellement, figurer sur la liste des engagés. Pour cela, il faudrait « dégonfler » le moteur, puisque la balance des performances oblige les voitures à compter moins de 700 chevaux. Aussi, nous ne savons pas encore ce que Volkswagen souhaite faire de la marque de Molsheim. Nous le saurons dans quelques semaines…

En Grande-Bretagne, outre Aston, McLaren semblait être intéressé aussi. Oui mais la pandémie complique les choses… Woking était au bord de la faillite dès le mois d’avril, et fut sauvé par un consortium suisse. Les difficultés financières ne sont pas encore toutes effacées, mais c’est en bonne voie. D’autant que McLaren a fait une très bonne saison en F1, ils peuvent peut-être se permettre un petit détour en endurance. Après tout, la McLaren F1 GTR est encore un mythe aujourd’hui. Ne serait-il pas beau de voir la descendance de la F1, la Speedtail, alignée au 24H du Mans ? Espérons-le.

Retournons dans le groupe Volkswagen mais restons en Grande-Bretagne. Bentley a un glorieux passé en Sarthe, pourquoi ne pas y retourner alors ? Seraient-ils vraiment intéressés ? Il y a peu, le PDG de Crewe a annoncé s’orienter vers les motorisations électriques qui, selon lui, sont l’avenir. Ainsi, dans quelques années, nous serons dans l’obligation de dire adieu aux W12, du moins en véhicules neufs. Par conséquent, au vu de la feuille de route que s’est fixée la marque, la création d’une Hypercar paraît peu probable, malheureusement.

La dernière marque, ou devrais-je dire artisan, à réfléchir à l’endurance se trouve en Suède. Outre Volvo, il y a Koenigsegg en Suède. Depuis près de 25 ans, Christian Von Koenigsegg construit des Super/Hypercar. Il a commencé avec la CCX, poursuivi par l’Agera, et maintenant la Jesko. Lors du Salon de Genève 2018, le PDG se disait intéressé par le programme de l’ACO. Depuis, silence radio. Cela dit, il serait intéressant de pouvoir voir une Koengisegg sur circuit car, hormis quelques chronos avec la One : 1, ces voitures sont surtout faites pour la vitesse maximale, comme en témoigne la dernière-née, la Jesko Absolut, qui atteindrait, selon les dire de la marque, les 500 km/h. Et comme le créateur a dit qu’il ne servait à rien d’aller chercher au-delà des 500 km/h, pourquoi ne pas se concentrer maintenant sur les vitesses de passage en courbe ? Affaire à suivre.

Comme vous le voyez, beaucoup de constructeurs semblent intéressés par le nouveau règlement, mais combien vont-ils réellement s’y inscrire ? C’est ce que nous verrons dans les prochaines années. Dans tous les cas, je suis impatient de voir ce que ça va donner. Et j’ai hâte aussi de voir ce que ces Hypercars vont procurer comme sensations sur route. Ça promet ! 

Par Iwen

Passionné d'automobile de toutes époques, je suis étudiant à l'ITM Graduate School au Mans, avec pour objectif de travailler dans le domaine de l'automobile.

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