
Existe-t-il une plus belle voiture à moteur arrière que cette Alfa-là ? La 33 Stradale, chef d’œuvre stylistique d’un certain Scaglione et dynamique de Carlo Chiti, n’est jamais descendue de son piédestal. Plus qu’une voiture, une icône. Une élégante carrosserie en fibre de verre habille un châssis tubulaire avancé pour l’époque. Sous le grand capot arrière, un petit V8 de 2.0 litres est capable de propulser la belle rapidement, la rendant véloce comme une bête. Aussi réussie soit-elle, la 33 Stradale aurait pu ne jamais voir le jour. L’idée de la Tipo 33 est lancée par Giuseppe Eugenio Luraghi, alors directeur d’Alfa Romeo, en 1964 avec pour objectif de rouler dans les catégories les plus prisées par les spectateurs : les sport-prototypes. Sa mise au point est confiée à Carlo Chiti, ingénieur dont le CV affiche un passage remarqué chez Ferrari. Le résultat impressionne. Dès sa première course, la Tipo 33 gagne. Sa longue vie témoigne de son excellente mise au point, elle qui remportera le titre de champion constructeur en 1975 et 1977. Victoires sur piste et dans les cœurs des Alfistes oui, mais pas commercialement. La 33 Stradale, imaginée pour rendre hommage à toutes ces victoires, ne décollera pas. Alfa pensait en vendre une trentaine, ce ne sera que 12 châssis vendus avec le dessin de Scaglione. 6 autres châssis ont été proposés à autant de designers pour qu’ils imaginent le futur de l’automobile.
Nous voilà dans le présent. Beaucoup considèrent la 33 Stradale comme la plus belle, ou l’une des plus belles, voiture du monde. Alors, quand on a entendu qu’Alfa allait remettre le couvert…
Une nouvelle 33 ? Mais comment ? Comme si on demandait à un artiste de re-dessiner la Joconde, avec les habits d’aujourd’hui. Et pourtant, l’attente fut grande, et la surprise aussi. Le 30 août 2023 est une date à marquer au fer rouge. La 33 Stradale 2023 vient d’être présentée. Le projet n’est vieux que de deux ans, et a donné ce résultat-là. Dès le départ, l’équipe a voulu créer une icône stylistique. En voilà un bel objectif ! Le design rappelle celui de la Stradale de 1967, mais aussi des différentes évolutions de la 33 de course. Ce qui explique cet avant très droit alors que la Stradale préférait les courbes. Le V du capot renvoie, en ce sens, à la 33/2. Le Scudeto fidèle se cache dans la prise d’air dans la partie basse du pare-chocs. La ligne est d’une fluidité pure… Large et longe, la 33 Stradale en impose et impose le respect. Le profil reçoit une entrée d’air en aval des portes à ouverture en élytre, une prise d’air qui dessine le galbe de la voiture. L’arrière arbore d’élégants feux rappelant les dernières réalisations de Zagato. Plus bas, un imposant diffuseur noir tranche avec le rouge de la partie haute de la carrosserie.


Elle a beau être une supercar du XXIème siècle, la 33 Stradale ne veut pas tomber dans l’usage de l’électronique à outrance. Elle se refuse alors à l’aérodynamique actif, préférant guider l’air à travers ses lignes élégantes. Ainsi, à l’avant, l’air passe au travers des phares. Ces derniers dessinent deux ouvertures, l’une allant vers les freins et l’autre guidant l’air vers l’extérieur, tout simplement. Le rétroviseur est pensé pour guider l’air vers la prise d’air précédemment citée. Puis, la partie noire de l’arrière est en partie, elle aussi, ouverte, pour laisser passer l’air et diminuer sa résistance. Ainsi, la 33 Stradale admet un Cx de 0,375. S’il n’atteint pas les ténors de l’efficience des berlines électriques, le coupé a l’avantage… d’être beau. Ce que ne peuvent pas avancer toutes les électriques…
Comme la 33 Stradale originale, les portes s’ouvrent en élytre, facilitant l’accès à l’intérieur. Un habitacle qu’il serait fâcheux de ne pas voir. Là encore, Alfa joue dans un autre registre que ses « rivales ». Pas d’écran au centre. Pas d’aides à la conduite trop disciplinées. Pas de fioritures. L’essentiel, c’est tout. Le volant est un exemple parfait, rappelant au passage la 8C. Aucun bouton n’habille ses branches. Ces dernières sont en aluminium quand la jante reçoit un traitement en cuir. Ce mélange de matériau chaud-froid se retrouve dans le reste de l’habitacle, avec le cuir sur toutes la planche de bord et les sièges quand le tunnel central accueille une plaque d’aluminium comportant quelques boutons. Le sens infini du détail court jusque sur le toit, avec des commandes tombant de la jointure entre les deux portières. L’alcantara et la fibre de carbone s’invitent dans l’habitacle, terminant de rendre plus sportif encore cet intérieur haut de gamme. Le dessin des sièges s’inspire de ceux de la 33 Stradale originale. Tandis que derrière le volant, les palettes finissent de nous rassurer !


Derrière les sièges, il y a de la vie. Et donc de l’espoir. Il s’agit d’un V6. À l’arrière de la 33 Stradale, Alfa Romeo installe le V6 de la Giulia qui, pour rappel, est un V8 Ferrari retravaillé, et revu pour l’occasion. De 2,9 litres, il passe à 3.0 litres, augmentant ainsi sa puissance à 620 chevaux, contre 540 maximum dans la berline. Seules les roues arrière reçoivent la puissance via une boîte double embrayage à 8 vitesses. En bonne icône du futur, la 33 Stradale ne veut pas s’arrêter à la simple motorisation thermique, et fait office de porte-étendard pour l’avenir de la marque et de la performance. Le coupé reçoit donc un moteur électrique, dont les spécificités de batterie et de moteur(s) sont encore inconnues. En revanche, Alfa parle d’ores et déjà de 750 chevaux électriques, et d’une autonomie de 450 km. Quelque soit la motorisation choisie, les performances restent identiques : moins de 3 secondes sur le 0 à 100 km/h, 330 km/h en maximum. En plus d’être belle, elle est rapide.
Et elle s’équipe des dernières technologies pour la performance. Les suspensions actives sont à double triangulation. Le train avant peut augmenter sa hauteur de caisse de 50mm maximum pour passer les ralentisseurs, jusqu’à 40 km/h. Brembo fournit les freins, des disques carbone-céramique à 6 pistons à l’avant et 4 à l’arrière. À la pédale, la sensation sera électrique, mais réaliste. Car Alfa a voulu créer une supercar utilisable au quotidien et ultra-performante sur circuit. Sur ce dernier point, elle confie la mise au point de la voiture à Valtteri Bottas, le pilote de l’écurie maison. Un tel projet est étudié bien en amont, et est suivi en continu. C’est pourquoi Alfa Romeo a créé une équipe de professionnels rien que pour le projet 33, nommé Bottega. Ce conseil, présidé par le responsable d’Alfa Romeo, valide ou non les demandes de personnalisation des clients pour que leurs demandes soient en accord avec le passé de la marque. Le passé, qui continue jusque dans la fabrication de la voiture. En effet, à l’époque de la 33 Stradale originale, les marques fournissaient des châssis à des studios de design pour habiller leurs idées techniques. Cette pratique s’est perdue au fil des ans et des normes de sécurité, notamment. Avant de revenir, petit à petit. Ainsi, l’assemblage des 33 exemplaires de la nouvelle 33 Stradale se fera chez la Carrozzeria Touring Superleggera à partir de décembre 2024.

Seulement 33 exemplaires, pour une œuvre d’art à quatre roues. Si elle laisse encore certains passionnés dubitatifs sur le design, ou la motorisation, la 33 Stradale nouvelle version a néanmoins réussi là où son ancêtre a échoué : elle a vendu ses 33 exemplaires. Bravo Alfa !


