
La première Zenvo n’incarnait pas la beauté comme une Pagani, ni la pureté comme une Bugatti ou la vélocité comme une Koenigsegg. En revanche, la bestialité la caractérisait bien. Née ST1, et devenue TS1 après un changement de moteur, le premier modèle de Zenvo a fait une entrée remarquée. D’abord en prenant feu lors de son essai à Top Gear, puis en devenant la coqueluche du Salon de Genève avec sa déclinaison TSR-S à l’aileron combattant la force centripète, servant d’aérofrein et capable de virer à droite où à gauche selon le virage négocié… Si ça marche ? Nul ne le sait vraiment. Au moins, c’est spectaculaire. Peu d’exemplaires de Zenvo sont sorties des chaînes d’assemblage danoises, ce qui explique sa faible notoriété, toutes proportions gardées. La TSR-GT annonçait la fin du règne de la TS1, embrayant donc sur un deuxième modèle. À la hauteur ?
Enfin un vrai nom ! Aurora tient évidemment son nom de l’aurore boréale, magnifique phénomène météorologique que les Danois aiment à observer dans leur contrée lointaine. Un spectacle lumineux, solaire, qui nommerait en effet très bien une hypercar. D’ailleurs, il n’y a pas qu’une Aurora mais deux. Ou plutôt, deux versions. Avec l’aileron, massif, il s’agit de l’Agil, et sans de la Tur. Deux carrosseries pour autant de philosophies, que nous verrons plus tard. La silhouette de l’Aurora s’étend sur une belle longueur de 4,84 m. Partis d’une feuille blanche, designers et ingénieurs ont travaillé main dans la main à partir de l’adage « la forme suit la fonction ». Ce n’est pas l’idéal pour réaliser une œuvre d’art stylistique, mais aérodynamique, si. Le design est une sorte de mélange entre plusieurs hypercar de grand cru. On retrouve des lignes à l’avant d’Aspark Owl, d’Apollo I.E., avec ces barres de leds obliques agressives. De pare-chocs, il n’y en a pas. Il n’est qu’une vaste entrée d’air, permettant de plaquer la voiture au sol. Ses proportions ne laissent pas de suspense : le moteur se trouve à l’arrière.


Peut-être suis-je trop obnubilé par Aston Martin, mais je trouve son profil inspiré par deux modèles de la firme de Gaydon. La ligne de toit me rappelle la Vulcan, et la prise d’air latérale le concept Valhalla, apparu dans No Time To Die. Cette découpe élégante nous rassure : il y a du thermique là dedans. Autrement dit, il y a de la vie. Et donc, de l’espoir. Les portières s’ouvrent comme chez McLaren, en élytre. Les roues étirent au maximum l’empattement, d’une longueur de 2,8 mètres. Ce qui laisse un mètre de portes-à-faux. C’est à l’arrière que la différence entre le modèle Tur et l’Agil sera la plus forte : aileron or not aileron. L’Agil admet un élégant appendice courant le long de la largeur de la voiture. Plus bas, les feux jouent la partition de l’agressivité, avec des barres leds obliques, une nouvelle fois. Pile au milieu de ces luminaires, les quatre sorties d’échappement attendent de vrombir de bonheur. Comme nous ! Tandis que plus bas, la carrosserie cède sa place au vide, laissant apparaître les suspensions, et un diffuseur, plutôt proéminent.
En ouvrant la porte en élytre, deux choix s’offrent à vous. Pilule rouge : l’Agil ; pilule bleue : la Tur. La philosophie de l’Agil étant décrite par son nom, l’agilité induit le terme de légèreté. Et qui dit légèreté dit concessions. Le châssis monocoque en fibres de carbone laisse apparaître son matériau de prédilection et s’habille d’une légère épaisseur de cuir, faisant office de sièges. Car l’Aurora reste une voiture. Une voiture à conduire. Voire, à piloter quand il s’agit de l’Agil. La Tur a droit, elle, à un revêtement plus cossu, à défaut d’être vraiment luxueux. Au moins, les assemblages, la fibre de carbone apparente et le dessin ont l’air d’être de bien meilleure facture que par le passé ! Une fois de plus, une inspiration de l’Apollo intervient avec le dessin de la planche de bord, et cette élégante barre centrale qui vient des deux extrémités. Quant au volant, il adopte un méplat dans sa partie basse et un rappel à midi, histoire de savoir où sont posées les roues…


Et Dieu que cela peut-être utile quand on connaît la machine derrière les sièges. À tout nouveau modèle, tout nouveau moteur. Pour rappel, la TS1 s’accompagnait d’un V8 à turbo et compresseur, le premier prenant le relai haut dans les tours du second qui distribuait sa puissance bas dans les tours. L’Aurora, qu’elle soit Tur ou Agil, a droit à une inflation de tout. L’époque est au downsizing ? Pas ici. Il s’agit d’un V12 6,6 litres ouvert à 90° muni de quatre « petits » turbos. Ce choix de suralimentation a été préféré à un système à deux gros turbos pour la linéarité de l’arrivée de la puissance. Les petits mettent moins de temps que les gros à charger. Mieux encore, le rupteur est placé à 9.800 tours/minute. Il développe environ 1250 chevaux. Ce moteur ne vient pas des cellules grises de Zenvo mais de MAHLE Powertrain. Un coup d’œil à son histoire nous rassure : MAHLE a racheté une partie de Cosworth à Audi en 2004.
Le moteur thermique n’est pas seul dans la chaîne motrice de l’Aurora, puisque d’office, il reçoit l’aide – comme s’il en avait besoin – d’un moteur électrique de 200 chevaux sur le train arrière. Pendant que les turbos chargent, le moteur électrique fournit de la puissance. On monte à 1450 chevaux. Et… ce n’est pas fini. En option sur l’Agil et de série sur la Tur, les roues avant reçoivent chacune un moteur électrique de 200 chevaux également. 1450 + 200 + 200 = 1850 chevaux environ. Le couple fourni donne le tournis : 1700 nm. Et forcément, les performances bondissent et deviennent totalement incomparables à la TS1, demeurée une simple propulsion tout au long de sa carrière. L’Agil annonce 2,5 secondes pour le 0 à 100 km/h, 4,6 pour le 0 à 200 km/h et 10 secondes pour le 0 à 300 km/h. Sa vitesse maximale est limitée à 365 km/h par son aileron proéminent. De fait, elle n’est pas aussi véloce que la Tur – qui, par ailleurs, signifie Touring en Danois. Cette dernière passe de 0 à 100 km/h en 2,3 secondes. Le reste ne sont que des estimations : 0 à 300 km/h en 9 secondes et 0 à 400 km/h en 17 secondes. Quant à la vitesse maximale : 450 km/h.


Pour annoncer de telles accélérations, il faut que la boîte de vitesses suive. Il s’agit d’une boîte à sept vitesses incluant une partie électrique de 150 kW/204 chevaux. Cette partie électrifié sert à la marche arrière, au démarrage du moteur. La boîte reçoit également un différentiel électronique. Sous cette avalanche de chiffres, on en oublie de parler du poids. Comme nous l’avons vu précédemment, la Tur est plus cossue. Moins extrême, elle est plus lourde que l’Agil, accusant 1450 kg. Sa sœur pèserait 1300 kg. Un poids plume, un appui conséquent, une puissance affolante, l’Agil semble armée pour tourner vite sur les circuits. Pourtant, Zenvo annonce le contraire. Ou plutôt, affirme ne pas avoir voulu réaliser la voiture la plus rapide sur circuit « car cela engendrerait des concessions, nous avons voulu améliorer toutes les pièces à leur maximum » pour bénéficier du meilleur de tous les mondes. Et ainsi, avoir un résultat homogène… attendu sur les routes à partir de 2025.
La TS1 commençait à se faire vieille. L’Aurora arrive à point nommé. Son attirail mécanique pique la curiosité, prenant, à mon sens, l’avantage sur le design. Espérons pour Zenvo que les clients répondront davantage présent que pour la TS1…
