Il faut avouer qu’en cette période plutôt morose, certaines nouvelles sont meilleures que d’autres et nous permettent de nous faire esquisser un rictus. Cette voiture fait partie de cette catégorie de nouvelles. Et il s’agit d’une Française, une Peugeot pour être exact. Ou plutôt devrais-je dire, LA Peugeot. Car, c’est elle qui nous représentera dans le championnat d’Endurance, et ce dès l’année prochaine. Alors, roulement de tambours… voilà la Peugeot 9X8.

9X8, est-ce une équation ? Est-ce un calcul que la marque nous laisse faire pour elle ? Dans ce cas, mes années d’enseignement obligatoire me permettent de donner une réponse 9×8 = 72. 72 ? Le département de la Sarthe ? En effet, Peugeot a un certain passif avec les épreuves d’Endurance, notamment les 24h du Mans, qu’elle a gagnée en 1992 et 1993 avec la 905 et en 2009 avec la 908 HDi. Le chiffre des centaines, le 9, symbolise les prototypes de course de la marque. Le X revendique la technologie quatre roues motrices et hybride. Le chiffre 8 des unités signifie que la voiture fait partie de la dernière famille de Peugeot, la famille des 8, comme les dernières 208, 308, 508, etc. Refermons cette parenthèse nominale pour nous intéresser au modèle que ce nom désigne.
Outside the box

Eh bien, pour une surprise, en voilà une qui est bonne. Déjà avec les différentes photos des teasers, nous savions que l’Hypercar au Lion arborerait ces phares en forme de griffes de félin. Comme le nez au milieu de la figure se voit, le nouveau logo de la marque se voit excessivement bien. Et, entre les phares et le logo, des entrées d’air pour plaquer la voiture au sol, pour refroidir les systèmes. Mais Peugeot n’en oublie pas le style, avec ces différents rappels des calandres des voitures civilisées, ces stalagmites et ces stalactites de fibre de carbone qui montent ou tombent de la carrosserie. Voiture de course oblige, le travail aérodynamique est poussé à son paroxysme. Rien, absolument rien, n’est laissé au hasard.

Forcément, un spoiler à l’avant court sur toute la largeur de la voiture, c’est-à-dire 2 mètres et 8 centimètres. Au cas où on n’aurait pas reconnu tous les éléments stylistiques propres à la marque française, Peugeot est écrit en gros sur cet appendice. Regardez attentivement ses extrémités. Elles reprennent le dessin des « extracteurs d’air » de la 508 PSE, ceux dont Peugeot avait travaillé dur pour obtenir le droit de les homologuer sur route. Ou bien est-ce la 508 PSE qui s’est inspirée de la 9X8 ? La question reste en suspens… Comme les roues, elles aussi suspendues. Autour d’elles, des pneus d’origine Michelin, le manufacturier français étant le fournisseur officiel du championnat d’Endurance. Et au-dessus, la carrosserie de la voiture.
L’allure générale s’apparente fortement à une LMP1 des années précédentes, mais la Peugeot paraît plus agressive encore. Puisque cette dernière a le droit de s’affranchir de certaines règles, ce que nous verrons un peu plus tard. La voiture est large – 2 mètres et 8 centimètres – elle est longue – 5 mètres tout pile – mais très basse – 1 mètre et 18 centimètres. Pourtant, même si ce n’est pas si étonnant que ça, le cockpit est exigu. Très exigu. Nous le verrons également plus en détail plus tard.

La marque dit que les designers se sont inspirés des félins pour dessiner cette voiture, notamment avec le cockpit, qu’ils disent très incliné. Cela s’apparente à la manière dont les félins chassent leurs proies, tapis dans l’ombre des fougères, puis sautent sur leurs nourritures. La 9X8 a la même volonté : chasser sur les terres des autres hypercars du championnat, que sont les Toyota et SCG. Mais la Peugeot arbore des lignes plus inattendues que les autres, puisqu’elle… n’a pas d’aileron arrière.
Elle a bien un aileron dorsal, comme les prototypes les plus fous de la planète Terre, mais pas d’aileron massif comme une Aston Martin Vulcan par exemple. Cette décision s’explique par la présence d’appendices aérodynamiques un peu partout sur la voiture pour créer de l’appui, ce qui la dispenserais d’une planche disgracieuse sur la partie arrière. Parmi ces appendices, des éléments horizontaux qui sortent des passages de roues et qui se finissent… qui ne se finissent nulle part, si ce n’est dans le vide. Une ceinture à l’arrière apporte aussi un appui aérodynamique, en améliorant la traînée, comme une McLaren F1 GTR d’antan. Les deux extrémités de cette ceinture sont verticales, et améliorent encore l’appui.

Aérodynamiquement parlant, la 9X8 pourrait être une très bonne base d’étude pour les étudiants dans ce domaine. L’ADN Peugeot est aussi présent à l’arrière avec les griffes et l’agressivité est de mise. Nous pouvons aussi voir, par ci par là, des touches de vert Kryptonite, la couleur du badge PSE. Une couleur qui s’explique par les décisions techniques de la marque.
Inside the box
Le règlement du WEC n’oblige pas la motorisation hybride, préférant laisser le choix aux constructeurs et aux indépendants, qui peuvent craindre le prix que peut coûter une telle motorisation et les faibles retombées qu’elles peuvent avoir. Peugeot qui, désormais, a les reins plutôt solides, encore plus depuis sa fusion avec le groupe FCA, a choisi l’hybridation. A l’arrière siègera, sûrement plus confortablement que le pilote, une machine de 680 chevaux. Cette puissance est obtenue grâce à un V6 biturbo de 2,6 litres de cylindrée. Il est associé à un moteur électrique de 272 chevaux. Cela dit, il n’est pas toujours possible d’additionner chevaux thermiques et électriques, au même titre qu’on ne mélange pas les torchons et les serviettes.

Ainsi, il y a peu de chance pour que la 9X8 dispose de 952 chevaux tout le temps, mais la motorisation électrique peut être utilisée comme un « boost » en sortie de virage par exemple. Le temps que le moteur thermique monte dans les tours, l’électrique propulsera déjà la voiture à des allures inavouables. On sait alors que la voiture sera une quatre roues motrices, pas tout le temps, mais très souvent. Ce qui nous assure un dynamisme à couper le souffle.
L’empattement de la 9X8 est supérieur à 3 mètres, ce qui laisse un mètre de porte-à-faux avant et arrière chacun. Un tel empattement gagera une excellente stabilité à haute vitesse et dans les virages, mais ne sera pas au bénéfice de la maniabilité dans les portions étroites où, au contraire, un empattement court est préférable. Nous ne savons pas si elle dispose, ou non, des quatre roues directrices. Si oui, alors l’empattement pourrait être diminué virtuellement, avec une entrée en virage plus rapide que sans cette technologie.
Toujours est-il que la 9X8 semble déjà prête, tant stylistiquement que techniquement, à prendre la piste. Des essais sont prévus en fin d’année 2021 pour les pilotes qui auront la chance de tourner avec elle, notamment lors des 24h du Mans, mais pas uniquement. Ces pilotes sont plutôt chevronnés. Il y a Kevin Magnussen, l’ex-pilote de l’écurie Haas F1 Team, Jean-Eric Vergne, ancien pilote de F1 et aussi champion de Formula E, Paul Di Resta, Loïc Duval, Mikkel Jensen, Gustavo Menezes et James Rossiter.

Tous sont d’accord pour dire que la voiture est parfaite, qu’ils ont hâte de la piloter – moi aussi j’aimerais beaucoup – et qu’elle semble prête à prendre la piste. Eux, auront la chance de s’installer dans le cockpit de la voiture française la plus puissante jusqu’ici – si on excepte les Bugatti. Un cockpit que nous pourrions qualifier de coloré. Un parti pris intéressant. Sur ces photos, nous pouvons voir la structure de la voiture, intégralement en fibre de carbone du châssis au toit, et même le « tunnel central » est construit avec le même matériau.

Le siège ? On n’a pas l’impression qu’il y en ait un véritablement. Le pilote devra s’installer, ou plutôt se laisser glisser dans un espace qui semble lui être réservé, un espace creusé pour qu’il soit dans une position presque couchée, pour limiter le plus la garde au toit et donc limiter la hauteur de celui-ci, et donc améliorer l’aérodynamisme. Il sera attaché, il vaut mieux, par un harnais six points. Au bout de ses pieds, il aura deux pédales, tandis que ses mains auront devant elles un volant reprenant peu ou prou le dessin de celui des Peugeot de route. Bien évidemment, la climatisation est présente, puisqu’obligatoire depuis l’été 2003 et la canicule que la planète a connue.
La compétition d’Endurance est morose en ce moment, avec seulement deux hypercars – SCG et Toyota – et les 24h du Mans qui sont perpétuellement repoussées. Porsche a annoncé son arrivée dans l’horizon 2024, BMW ne dit pas non, Mercedes non plus, mais Peugeot les devance, tous autant qu’ils sont. La course démarre donc bien. Le plus fou ? C’est qu’une Hypercar de route devrait arriver bientôt, pour l’homologation en Endurance. Cela voudrait dire qu’une Peugeot, une voiture française, de plus de 680 chevaux va bientôt arriver !