Dans les années 1980 et 90, le designer et ingénieur Lee Noble travaille pour le compte d’Ultima Sport Cars, une écurie automobile participant, notamment, au championnat Can-Am aux Etats-Unis. Il dessine pour l’écurie les Ultima Mk1, Mk2 et Mk3. Cette dernière embarque le V8 de la Corvette contemporaine, un big block de près de 450 chevaux. La voiture est extrêmement bien pensée, si bien que, aujourd’hui encore, Ultima assemble celle qui était la Mk3 en une voiture « de route » sous le nom de GTR. Sa version ultime, l’Evolution, compte 1020 chevaux pour seulement 980 kg… Lee Noble, lui, a voulu voler de ses propres ailes et a lancé en 1999 son écurie personnelle, Noble. Ses plans donnent les M12, M400. Alors que la crise des subprimes approche, Peter Dyson rachète la marque, en 2006. M. Noble travaille encore sous les ordres de M. Dyson. Il finira par quitter ses fonctions en 2009. Cette année-là, Noble présente la M600. Boîte manuelle, moteur atmosphérique, pas d’ABS, pas d’antipatinage, rien que le pilote et la voiture. Un duel qui peut se transformer en travail en binôme si chacun y met du sien. Plutôt bien pensée, son V8 Volvo et sa masse d’environ 1,2 tonnes lui permettaient de faire partie de l’élite des supersportives d’alors. Tandis qu’on pensait la firme presque morte, en 2017 un concept est présenté, sobrement appelé Noble M500. Et en ce début d’année 2022, la version finale s’avance.



La M600 voyait les années défiler, les concurrentes être remplacées, et elle rester en place. La M500 prend la relève pour que la M600 prenne sa retraite bien méritée. La nouvelle venue arbore des lignes bien plus agressives que sa devancière. Les phares semblent être inspirés de ceux de la Ferrari 488 GTB. On retrouve une ligne tirée de l’Aspark Owl, dans la partie avant de la voiture, avec ce capot plongeant. Sinon, le design en général est digne d’une Noble, simple mais efficace. L’arrière, lui, est plus complexe. L’aileron est parfaitement intégré dans un arrière très arrondi. Le diffuseur est proéminent, signe que le travail aérodynamique a été poussé. Enfin, deux éléments évacuent nos craintes : il y a bien, de part et d’autre du diffuseur deux sorties d’échappement ! Ouf, pas de Noble électrique pour cette renaissance ! Ça change du changement de philosophie engagé chez le compatriote Lotus.
L’habitacle quant à lui est austère mais, comme l’extérieur, efficace. Chez Noble, on va à l’essentiel. Les sièges baquets sont fabriqués en fibre de carbone mais recouverts, çà et là, de mousse afin de ne pas être trop avare en confort. La M500 n’oublie certes pas ses racines de Noble, nous le verrons plus tard, mais elle n’oublie pas non plus qu’elle appartient au 21ème siècle, et qu’à ce titre les écrans sont presqu’indispensables à bord… Alors le compteur devient 100% numérique et une tablette tactile fait son apparition au centre du tableau de bord. La planche de bord, recouverte d’Alcantara, n’est pas des plus gaies, mais elle fait le job, et c’est ce qui compte. Mais le plus intéressant dans cette Noble n’est pas son écran, c’est tout ce qui ne se fait plus de l’autre côté de la Manche. Le volant ne compte pas de palettes derrière les branches. Il y a trois pédales aux pieds du conducteur – du mauvais côté sur les photos – ce qui signifie également qu’il y a présence d’un levier de vitesse. Et que voit-on derrière ? Un frein à main. Tant de choses que nous n’étions plus habitués à voir, même dans les citadines. Restent quelques interrogations toutefois…


La silhouette ne permettant pas, avec ce nez plongeant, de cacher le secret, le moteur est bien derrière les passagers. Plus précisément, en position centrale arrière, entre les roues et les sièges. Si la M600 se dotait d’un V8 d’origine Volvo de 650 chevaux, la M500 succombe au chant du downsizing et s’en remet à un V6 3.5 biturbo. Par chance, on le connaît bien, puisqu’il s’agit du moteur de la Ford GT de 2017. Un pétard à mèche courte. Si l’Américaine comptait 656 chevaux, il perd une centaine d’équidés dans sa traversée de l’Atlantique pour avoir 558 chevaux. Comme nous l’avons vu, ce V6 est associé à une boîte mécanique à 6 rapports, d’origine Graziano. Le manufacturier a des clients très intéressants, nommés Ferrari, Lamborghini, McLaren, les plus grands en quelques sortes. Et la M600 avait une Graziano aussi, donc les doutes quant à cette boîte sont écartés. Ceux sur le moteur également. La M500, faite principalement en fibre de carbone, ne pèse que 1250 kg à vide. Une légèreté à couper le souffle de nos jours. Pour atteindre une telle masse, Noble a volontairement écarté quelques équipements jugés trop lourds et qui gomment les sensations. L’antipatinage n’est pas retenu, tout comme l’ABS, et toutes les aides à la conduite pour lesquelles les marques conventionnelles investissent des milliards pour les rendre les moins permissives possibles. Alors, vous montez toujours dans la M500 ?
A n’en juger que par sa puissance de 558 chevaux, la M500 semble viser la 911 Turbo. Mais l’Allemande, seulement disponible en transmission intégrale ne semble pouvoir tenir la comparaison en termes d’implication du pilote. Quoi de plus noble que de se passer des choses futiles pour se concentrer sur l’essentiel, la conduite ? Un savant mélange pour des personnes pas très seines d’esprit peut-être, mais de corps, obligatoirement. La M600 était déjà une voiture très communicative, nul doute que la M500 va en rajouter une louche. Une sorte de must dans son genre. Souhaitons à la M500 un meilleur succès que sa devancière ! Mais une concurrente pointe le bout de son nez, en provenance d’un certain Gordon Murray…
