
Le concept a été présenté en 2017, au Salon de Détroit, sous l’élégant nom Mercedes-AMG Project One. Sa plastique était déjà un brin critiquée, à cause d’un manque de prise de risque de la part des designers. Cependant, concernant l’ingénierie qu’elle devait intégrée, nous étions tous subjuguer ! Après tout, qui ne le serait pas. Car sous sa carrosserie de fibres de carbone, la première hypercar à l’étoile veut embarquer le moteur de la Formule 1 de 2015, la W06 de Lewis Hamilton, et viser des chiffres pharaoniques. On parlait d’une puissance supérieure à 1000 chevaux, d’un poids de 1340 kg avec les fluides (!) permettant de faire tomber les centaines de km/h plus rapidement que Lucky Luke sort son arme. Voyez plutôt : 0 à 100 km/h en 2,5 secondes, 0 à 200 en 6 secondes et 0 à 300 en 11 secondes ! A titre de comparaison, la McLaren P1, de 916 chevaux, demande 2,9 secondes pour le premier exercice, 6,7 pour le deuxième et un peu moins de 15 secondes pour le dernier. Ce qui est déjà époustouflant. Alors là… On nous l’annonçait ultra-véloce, et la date de sortie pour 2020 environ. Environ ? Car il y a eu des problèmes…

Il s’avère qu’en réalité, fiabiliser un moteur de compétition pour la route est loin d’être chose aisée. En effet, ces derniers sont habitués à tutoyer les derniers chiffres du compte-tours presque tout le temps. Tandis que les futurs propriétaires ne l’utiliseront pas, ou presque pas, et rouleront plus souvent en mode « pépère » qu’en mode « hot lap ». Malgré tout, la promesse doit être tenue : l’AMG Project One doit voir le jour, le plus tôt possible. Retardée, maintes fois, les 275 propriétaires, qui ont été tirés au sort, ont pu avoir pour lot de consolation une livrée spéciale sur une AMG GT Black Series. Pas trop mal, mais ce n’est pas ce qu’il voulait en premier lieu. Les hauts dirigeants de Mercedes se sont exprimés il y a peu à propos de ce projet fou en disant « nous étions ivres lorsque nous avons approuvé la One. » Une phrase à prendre sur le ton de l’humour, mais qui met en avant le problème du délai pour créer une telle automobile. 2020 arrive, avec la crise que l’on connaît, et l’arrêt de beaucoup de projet. Dans la concurrence directe, Aston Martin aurait été sur le point de stopper la Valkyrie. Heureusement, ils ne l’ont pas fait. Il y eut également des rumeurs à propos d’AMG. Mais, quand l’hypercar est devenue l’égérie du dernier jeu Forza Horizon 5, nous nous sommes tous dits : ils sont enfin sur la bonne voie. Et en effet, c’est le cas !

C’était cette semaine, la vraie de vraie, l’AMG One. Sans surprise, le design reste relativement similaire au concept. On reconnaît toujours cette signature de Mercedes-AMG, tentant de mêler l’élégance avec la sportivité. Ou l’inverse. Le travail aérodynamique se voit, et tant mieux, puisque c’est celui-ci qui a guidé le design de la voiture elle-même. Point d’arêtes, seulement des courbes pour mieux faire passer l’air sur la carrosserie, ou pour mieux s’en servir pour ralentir ou créer de l’appui. L’AMG One, en s’inspirant de la Formule 1, utilise les dernières avancées, comme l’aérodynamisme actif. Cela fait bien longtemps que cela existe, mais la marque va loin. Traditionnellement, un aileron prend place à l’arrière de la voiture. Mobile, en deux parties, chacune se dresse selon le mode sélectionné par le pilote et les besoins de la voiture. Au-dessus du toit, nous voyons une prise d’air, dite NACA, conçu pour refroidir la salle des machines, et qui se termine par un aileron dorsal. Cet appendice permet de limiter le risque de faire des tonneaux avec la voiture, et de créer de l’appui sur l’arrière, encore. Les roues sont pleines, ou pas vraiment en fait. Là aussi, le moindre détail est pensé pour l’efficacité. Les jantes à dix branches sont faites pour à la fois guider l’air et refroidir les freins, qui ont bien besoin d’air frais et de respirer lors de leurs sollicitations. Enfin, et surtout, au-dessus des ailes avant, des panneaux de carrosseries se dressent en fonction, là-aussi, du mode sélectionné et des besoins en appui. Une fois la pédale du milieu touchée, ces plaques se lèvent pour contrer le vent et freiner la voiture. Reste à savoir si cette technologie sera fiable dans le temps…
A l’extérieur donc, l’inspiration Formule 1 est de mise. Les dimensions le sont tout autant, avec une longueur de 4,75m, une largeur de 2,01m, une hauteur de 1,26m et un empattement de 2,72m. De quoi garantir une stabilité extrême. D’autant que derrière le volant, tous ne s’appelleront pas Lewis Hamilton…

L’entrée à bord se fera via d’immenses portes en élytre. Que ce soit pour la facilité d’accès ou pour le visuel spectaculaire, c’est gagné. Ensuite, pour s’installer dans la voiture… Car l’AMG One, comme toutes ses concurrentes, a décidé de se construire autour d’un châssis en fibres de carbone. Et les sièges, si on peut les nommer ainsi, sont directement incrustés dans la coque, et non sur des rails. Question confort… Après tout, elle n’est pas faite pour cela. Et c’est pourquoi le volant, lui aussi inspiré de la compétition, regorge d’autant d’informations. L’habitacle est donc minimaliste, centré autour du conducteur. En somme, tout ce que j’aime. Pourtant, certains éléments me font tiquer : les écrans. Sans rentrer dans le débat pour ou contre la technologie à bord des voitures de sport, admettez que les écrans ci-présents ne sont pas très dignes d’une hypercar. On peut retrouver les mêmes dans une simple Classe A ! Passons. Car un petit bouton fait envie ici… Moteur et…
ACTION

Comme le concept le préfigurait, et à l’inverse de la dernière supercar de la marque la SLR McLaren, le moteur utilisé n’est pas une nouvelle variante d’un déjà existant dans la gamme mais bien celui tiré de la compétition, de la Formule 1. En position centrale arrière, sous cet immense panneau de carrosserie, sommeille un V6 1.6 turbocompressé. Petit, certes, mais costaud, puisqu’il avance à lui seul 574 chevaux à 9.000 tours/minute. Pas mal, non ? D’autant qu’il est capable d’atteindre 11.000 tours à son régime maximum. Et puis, il n’est pas seul. Quatre moteurs électriques lui prêtent main forte. Nous en retrouvons un dans le turbo, pour le lancer très rapidement, un dans le vilebrequin, pour limiter les pertes de puissance qu’il peut y avoir entre le moteur et les roues, et deux sur le train avant, pour propulser les roues avant. Le tout fourni une puissance de… 1063 chevaux. Le cahier des charges est rempli ici. Le couple ne peut pas être indiqué, puisqu’il serait, d’après la marque, trop élevé et compliqué à calculer.

Même si elle est basée sur un châssis ultraléger en fibres de carbone, l’AMG One ne peut défier les règles de la physique : installer autant de moteurs électriques alourdit forcément la voiture. Ainsi, la masse de la voiture en kg DIN est donnée pour 1695 kg. On est loin des 1340 avancés lors de la présentation du concept… Pour ne pas avoir trop de poids à cause des fluides, Mercedes n’a pas souhaité mettre un plus gros réservoir qu’un 55 litres. Malgré tout, les performances sont au rendez-vous. Dans un son – que l’on peut entendre sur le site de la marque – que la firme avance comme unique, l’AMG One est capable d’atteindre 100 km/h depuis l’arrêt en seulement 2,9 secondes, 200 en 7 secondes et 300 en 15,6 secondes, pour finir sa course à une vitesse de 352 km/h. Les vitesses s’égrènent rapidement grâce à une inédite boite 7 vitesses à quatre embrayages. En termes de dynamisme, l’appui aéro conséquent travaille de pair avec une suspension multibras innovante avec jupes de suspension transversale à tige de poussée permettant de retirer les barres antiroulis. En d’autres termes, l’AMG One comprend un nouvel élément pour diminuer, voire annihiler totalement le roulis, et l’avance fièrement. Les freins ne sont pas en reste non plus, avec des galettes carbone céramique hautes performances de 398 mm à l’avant et 380 à l’arrière. Les pneus, eux, semblent conventionnels pour une hypercar, presque modestes, avec une monte en 285/35-19 à l’avant et 335/30-20 à l’arrière.

Alors, est-elle à la hauteur de la Sainte Trinité, des pionnières de l’hybridation sportive ? La réponse est double : oui et non. Sur le plan de la motorisation et de l’innovation, l’AMG One se place dans la continuité de la Porsche 918 Spyder. En effet, elle avance des chiffres de consommation intéressant d’un point de vue écologique, avec une estimation aux alentours de 8,7 km aux 100km. De plus, les performances sont dans la même catégorie que cette dernière, même plus véloce pour atteindre la quatrième centaine. L’AMG One semble également vouloir prendre le temps de bien faire les choses. C’est ce qu’elle a montré en prenant du retard dans ses livraisons, mais c’est également ce qu’elle démontre avec sa motorisation. Contrairement à Lotus qui se détourne clairement de la motorisation thermique pour se lancer dans le 100% électrique avec l’Evija et le nouvel Eletre, Mercedes veut récolter des informations, donner une partie de plus en plus importante à la motorisation électrique sans oublier l’essence-même de la voiture plaisir, le moteur thermique. En somme, elle se place exactement dans la lignée de la Sainte Trinité, elle ouvre une nouvelle voie sur l’avenir, avec des moteurs thermiques toujours plus petits et une plus grande place à l’électrique avant le passage au tout électrique. Bref, l’AMG One semble quand même bien partie pour s’octroyer une place dans les hautes sphères de la performance ultime, en témoigne son slogan : construite pour devenir une légende. Et c’est là que le bât blesse, car en face Aston Martin assemble une véritable fusée, la Valkyrie, qui risque de surclasser l’AMG One. L’excitation est à son comble, et comme les premiers exemplaires sortent bientôt d’usine, les confrontations vont bientôt arriver. Patience…

