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Ferrari 296 GTB

On l’attendait. On l’attendait comme le Messie. La Ferrari qui comblerait le vide depuis la disparition de la Dino 246GT. La baby-Ferrari comme certains l’appelaient. Les informations d’espions allaient bon train. Ce sera un V6. Ce sera un V6 hybride. Ce sera le même moteur que la MC20. Ce sera… A force de tout entendre – ou plutôt de tout lire – on ne savait plus ce qui était réaliste. Autant attendre la révélation. Pardon. Attendre LA révélation.

Jusqu’ici, Ferrari ne proposait que deux moteurs : V8 biturbo ou V12 atmosphérique. Un choix déjà difficile à faire. Suivant les carrosseries, les architectures des voitures, la puissance va de 620 chevaux pour les GT à moteur avant V8 que sont les Roma et Portofino M, à 1000 chevaux dans la SF90 Stradale, en passant par 720 chevaux dans la F8 Tributo et 800 chevaux tous ronds dans la 812 Superfast. Il fallait bien combler cet énorme gouffre entre les puissances, non ? Ferrari pense que si. Et quand Ferrari pense, les ingénieurs font.

Jeudi 24 juin 2021. Il est 14h25. Les Tifosis du monde entier sont sur le point de s’arracher le cœur. Cinq minutes plus tard, c’est la délivrance. Ferrari dévoile enfin sa « nouveauté révolutionnaire » comme communiqué. Il est 14h30 et le monde voit enfin les courbes de la « Ferrari V6 ». Il est 14h30 et la Dino vient d’être remplacée. La 296 GTB vient combler le trou dans la gamme, mais pas celui que l’on espérait réellement… Ce sera pour plus tard. La 296 GTB prend ce nom en référence à la Dino 246 et le GTB signifie Gran Turismo Berlinetta. Sur le plan des dimensions, la nouvelle venue de Marannello se positionne bien en entrée de gamme, avec une longueur de 4,56 mètres, soit 5 centimètres de moins qu’une 488 GTB. De ce point de vue, pas de doute quant à la filiation avec la Dino. Sur le plan stylistique non plus, point de doute. Comme la Dino avant elle, la 296 GTB ne ressemble à aucune autre Ferrari. Un pari osé de la part de la marque dont les clients sont plutôt conservateurs. Mais la Dino veut conquérir de nouveaux cœurs, comme la SF90 Stradale. D’extérieur, elle reprend les codes de la SF90 Stradale et de la 488 GTB dans le même temps. La partie avant est courte, très basse, presque plongée vers le bitume. Le dessin des phares semble inspiré par la SF90 Stradale. La partie centrale, où siègent les deux passagers, est dessinée d’une main de maître. La marque ne s’en cache pas, elle s’est inspirée de la Ferrari 250 LM, qui se destinait à une vie en compétition. C’est en reprenant l’entrée d’air sur le côté que la 296 GTB se rapproche le plus de la 250 LM. Nous pouvons voir encore cette inspiration derrière le cockpit. Ou bien dans le dessin du pare-brise et des vitres. Cette « bulle » me fait également penser aux Zagato, merveilleux studio de design qui réussit à embellir des Aston Martin, déjà sublimes. A l’arrière, une vitre nous laisse entrevoir le moteur, la salle des machines. Positionné très bas, il promet un centre de gravité à ras des pâquerettes. Les feux arrière trouvent leur inspiration dans la SF90 Stradale, encore elle, mais une fois encore, ils sont redessinés, pour ne pas faire de copier-coller. Le diffuseur arrière est plutôt imposant, mais il est bien intégré. Comme toujours, l’aérodynamisme a été le maître-mot de cette Ferrari. Et, à l’inverse d’une 488 GTB, le travail aérodynamique de la 296 GTB est plutôt discret. Les lignes ne sont pas aussi marquées que sur la 488 GTB, et encore moins que sur la SF90 Stradale. La petite Ferrari gagne des points.

Elle gagne aussi l’intérieur de la SF90 Stradale. La 296 GTB obtient donc un cockpit orienté vers le conducteur pour qu’il soit le plus concentré possible sur la route, sur le circuit, et pas distrait par l’éventuel passager. Car pour Ferrari, c’est ça le plaisir de conduite : ne pas avoir à bouger les mains du volant. C’est pourquoi le volant est parsemé de boutons, d’écrans, de manetino. Mais on a bien vu, au Grand Prix de Bakou, que les boutons sur les volants n’étaient pas la tasse de thé des pilotes… Hamilton en première ligne. De ce fait, avant de conduire la 296 GTB, il faudra avoir en tête le manuel d’utilisation du volant. Mais, avouons que, lorsqu’on pilote une Ferrari, il faut seulement savoir passer la vitesse supérieure et rétrograder. Pour ça, il suffit d’une pichenette sur la palette de droite pour égrener le rapport suivant, et sur celle de gauche pour rétrograder d’un rapport. Une pression maintenue à gauche fait rétrograder de plusieurs vitesses, et donc favorise un freinage plus performant. Le nom 296 GTB est inscrit sur le tableau de bord, devant le passager. Toujours devant lui, il peut lire les informations utiles comme la vitesse, le rapport engagé, le régime moteur etc. via l’écran tactile arrivé en option depuis la 812 Superfast. D’ailleurs, il est temps de savoir ce qu’elle donne cette nouvelle venue. Moteur et action.

Le moteur est derrière les sièges, mais le son provient de devant : oui, même chez Ferrari le son est amplifié par les haut-parleurs. Aïe ! D’autant que ce n’est pas un mauvais ronronnement. Sur le site Ferrari, vous pouvez entendre le moteur. Mais, il ne fait pas dresser les poils comme un V12 atmosphérique… Normal, me direz-vous, puisque ce n’en est pas un, loin de là. En effet, il s’agit d’une moitié de V12 auquel on a collé deux turbocompresseurs. Et ce n’est pas fini. Ne jugeant pas cela suffisant – ou bien est-ce à cause des normes antipollution – Ferrari lui joint un moteur électrique. Reprenons le calcul. 296 GTB = V6 + turbos + électrique. Beaucoup de choses à avaler.

Oui, mais le V6 a une histoire chez Ferrari, puisqu’il a été utilisé en compétition, à la Targa Florio nous apprend la marque sur son site, avec la 246 SP, c’était en 1961. Affublée d’un V6, elle gagna les éditions 61 et 62 de cette course mythique. Et, toujours d’après le site Ferrari, l’écurie remporta son premier titre constructeur avec la 156 F1, équipée d’un V6 également. D’ailleurs, il arbore la même ouverture dans la 296 GTB, soit un angle de 120° entre les deux bancs de trois cylindres. Mais, je dois l’avouer, cela me fait mal aux doigts d’écrire V6 et Ferrari côte à côte. Le temps passe… L’ouverture de 120° permet, d’après la marque, d’inclure les turbocompresseurs à l’intérieur du moteur, et pas à l’extérieur, ce qui améliore sa compacité et le temps de réponse des turbos. Une affirmation dont je doute personnellement, puisque Mercedes-AMG, en sortant la GT et la GT S, a communiqué là-dessus, disant que le V8 intégrait les deux turbocompresseurs entre les cylindres, et ce avec un angle d’ouverture de 90°. L’angle de 120° permet également, et surtout, à la 296 GTB d’intégrer son moteur très bas sur le châssis, ce qui réduit son centre de gravité. D’une cylindrée de 2992 cm3, le V6 de la 296 GTB est d’origine Ferrari, et ne vient donc pas des chaînes d’assemblage de Modène, de Maserati, qui assemble le V6 3 litres de la MC20. Ce sont deux moteurs bien distincts, de par leurs fonctionnements. Ainsi, pas de doute à avoir : la 296 GTB n’est pas une MC20 recarrossée. Ouf !

D’ailleurs, niveau puissance, Marannello dépasse Modène, avec un rendement moteur encore plus élevé. La MC20 propose 630 chevaux, soit un rendement de 210 chevaux/litre quand la 296 GTB dispose de 661 chevaux, sans l’aide électrique, soit 221 chevaux/litre. Explosif ! Ajoutez à cela une poignée de chevaux électrique et vous obtiendrez la puissance folle de… 830 chevaux. Comme quoi, la baby-Ferrari n’est pas pour aujourd’hui… Le couple maximum s’obtient lorsque le régime moteur atteint 6250 tours/minute pour proposer 740 nm. Ces avalanches de puissance et de couple martyriseront uniquement les pneus arrière, puisque la 296 GTB n’est qu’une simple propulsion. Et une propulsion de 830 chevaux, ça donne quoi en performances ? 0 à 100 km/h en 2,9 secondes, 0 à 200 en 7,3. Soit, peu ou prou les mêmes affirmations qu’une McLaren 720S, qui elle s’en remet à un V8 4.0 uniquement. Et le freinage ?

Epoustouflant, apparemment, puisque la marque avance un 200 à 0 en 107 mètres. 107 mètres, quand une McLaren Senna, l’une des meilleures freineuses du monde, promet 100 mètres. Mais tout cela ce ne sont que des chiffres qui ne permettent pas de mettre véritablement en exergue les performances de la voiture. Pour vraiment savoir si une Ferrari est performante, il faut voir son temps sur le circuit maison, celui de Fiorano. Elle boucle ce circuit en 1’12, soit exactement le même temps que la F12tdf, la pistarde à moteur avant de la marque, avant la 812 Competizione. Comme quoi, le travail aérodynamique a porté ses fruits sur cette Ferrari. Intéressons-nous en de plus près. L’arrière adopte un spoiler érectile qui, s’il n’est pas très élégant, permet de plaquer la voiture en prodiguant près de 100 kg d’appui aérodynamique. Le dessin à l’arrière du cockpit, s’il n’est pas des plus élégants à mon sens mais plutôt spectaculaire, est le fruit d’une pensée aérodynamique. L’air s’engouffre dans l’un des parties et la carrosserie fait des tourbillons et plaque la voiture. Comme le faisait la BMW i8. L’avant, idem, avec cette calandre en nid d’abeilles qui prend toute la largeur de la voiture, et qui va être gâchée par nos plaques d’immatriculation… Tous ces éléments mis bout à bout expliquent le chrono sur le circuit de Fiorano. Mais tout cela reste élégant. Mis à part l’aileron arrière, il n’y a rien de voyant dans le travail aérodynamique de la 296 GTB.

Mieux encore que la 296 GTB, l’Assetto Fiorano. Point d’augmentation de puissance mais une livrée hommage à la 250 LM et une cure d’allègement qui passe par le remplacement de la vitre en verre du capot moteur par du Lexan, utilisé par la 488 Pista, la F8 Tributo et la 812 Competizione, par la structure de certains éléments. Ce sont, au final, 12 kilogrammes d’économisés par rapport à la 296 GTB « normale », qui pèse déjà 1470 kg à vide… Avec les pleins, elle pointerait à environ 1600 kg. Aïe ! Mais, finalement, la 296 GTB concurrence qui ? Concurrence quoi ?

L’hybridation dans le monde de l’automobile de sport n’est pas une idée vieille. Cela ne fait qu’une dizaine d’années qu’elle est utilisée sur la route, avec la Sainte Trinité P1/918/LaFerrari, et avec la BMW i8. Un temps mise au placard, elle est revenue sur le devant de la scène avec l’Artura en début d’année 2021, et désormais avec la 296 GTB. Elle partage avec la McLaren l’idée du V6 hybride. Les deux sont des V6 3.0 ouverts à 120°, mais de puissances différentes, 585 chevaux pour Woking contre 621 pour l’Italie. Et en cumulé, les berlinettes sont séparées par un gouffre de 150 chevaux. Au rayon des performances, l’Artura dégaine aussi vite que la 296 GTB, ou presque, 2,9 contre 3 secondes pour l’Artura, mais les 200 km/h sont atteints une seconde plus rapidement par la 296 GTB. Mais là où l’Artura pourrait prendre sa revanche c’est sur le plan de la vivacité. En effet, si la 296 GTB annocne 1470 kg à vide, l’Artura annonce 1498 kg tous pleins faits. Et là, c’est différent. Mais, avec un déficit de 150 chevaux, peut-on vraiment dire que l’Artura est une véritable concurrente de la 296 GTB ? La McLaren 720S ? Elle est légère, elle est puissante, mais accuse un déficit de 110 chevaux, et elle n’est pas hybride. Et la MC20 ? Elle n’est pas suffisamment puissante, et laissons le temps aux ingénieurs de mettre au point la MC20 hybride. Et la Porsche 911 Turbo S ? Elle n’est pas hybride et pas suffisamment puissante. Et Lamborghini ? Sant’Agata Bolonese semble être à la traîne pour remplacer ses modèles, aussi vaut-il mieux ne pas en parler.

En somme, outre l’Artura qui n’est pas assez puissante, la 296 GTB se retrouve seule sur le marché de l’hybride de sport pour tout le monde – même si tout le monde n’est pas prêt à mettre 269.000 voire 302.000€ pour l’Asseto Fiorano. Ferrari montre que, même si McLaren semblait avoir une longueur d’avance, elle ne se reposait pas sur ses lauriers de marque la plus mythique du monde. Et, pour être honnête, ça fait du bien de voir Ferrari aussi haut.

Une saison de Formule 1 qui ne commence pas trop mal, une gamme qui se vend très bien sur route, Ferrari est à un haut niveau. Bien meilleur que celui de McLaren, malheureusement pour Woking. Ferrari a l’aura, les Tifosis, et même si la 296 GTB ne risque pas de leur plaire à tous, elle permet de montrer que, non, Ferrari n’est pas morte. Vive la 296 GTB, et vive Ferrari.

Le 19 avril suivant, la 296 GTB se découvre pour devenir Spider. La carrosserie ne change pas beaucoup. La couleur de présentation, blu corsa, amène à penser qu’elle se destine plus aux road trips animés qu’aux circuits vallonnés. Pourtant, elle semble très efficace. De la 296 GTB, la GTS reprend tout, sauf son toit fixe. Grâce à ce toit escamotable, la nouvelle venue permet d’obtenir de meilleures sensations au volant, puisque le pilote sera plus en contact avec les éléments. Mais, comme toujours, le problème des Spider est la prise de masse causée par l’installation du système du toit et des potentiels renforts intégrés dans la structure. Cette partie de carrosserie n’est pas en toile, ce qui permet de conserver une ligne sans aspérités une fois que le toit est fermé, une action qui demande 14 secondes. Cela dit, c’est plus lourd qu’une capote en toile. Sur l’autel de la performance et aux profits des sensations, la 296 GTS rend 70 kg à 1540 kg au coupé 296 GTB. A noter également que, comme pour la GTB, le pack Assetto Fiorano peut s’intégrer au Spider. 

Par Iwen

Passionné d'automobile de toutes époques, je suis diplômé en journalisme automobile en 2023.

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